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Parlement wallon et Parlement de la Communauté française - audition sur le Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance

Ce 4 décembre 2013, B. Bayenet, professeur à l'ULB et vice-président du CRAIG, a été auditionné lors de la réunion conjointe de la Commission des affaires générales, de la simplification administrative, des fonds européens et des relations internationales du Parlement wallon et de la Commission des Relations internationales et des Questions européennes, des Affaires générales et du Règlement, de l'Informatique, contrôle des communications des membres du Gouvernement et des dépenses électorales du Parlement de la Communauté française. 

 

Inscrire la laïcité de l’Etat dans la Constitution ? - La Libre Belgique - 10 novembre 2012

Inscrire la laïcité de l’Etat dans la Constitution ?

La Libre Belgique, 10 novembre 2012, pp. 58-59

Opinions d'Olivier Maingain, Député-bourgmestre et président du FDF et de Jean-François Husson, Secrétaire général du Centre de recherche en action publique, intégration et gouvernance.

Olivier Maingain, Député-bourgmestre et président du FDF

Oui, la force de la loi doit être placée au-dessus de toute autre règle. C’est indispensable pour se prémunir contre les dérives extrêmes. Arrêtons d’être frileux et rouvrons aussi les débats annexes comme le financement des cultes.

Qu’entendez-vous exactement par “laïcité de l’Etat” ?

C’est d’une part la séparation des Eglises et de l’Etat (pas nécessairement selon la seule conception française : chez nous, le culte est reconnu et financé), mais c’est aussi l’idée que l’autorité de l’Etat, autrement dit le respect de la loi, est supérieure à toute autre norme religieuse ou morale. Je crois qu’il est important, face aux dérives que l’on constate par rapport à certains courants religieux extrêmes, que la force de la loi soit préservée par l’autorité publique et qu’en conséquence, il ne soit pas question de transiger avec des principes comme l’égalité de l’homme et de la femme qui constitue, selon moi, un des grands enjeux d’aujourd’hui. Tous ceux qui tentent de pervertir les fondamentaux de la démocratie doivent savoir que la démocratie est en mesure de se faire respecter.

Vous pointez “certains courants religieux extrêmes”, à savoir les deux élus du parti Islam à Bruxelles. Vous positionnez donc le débat sur le terrain religieux ?

Je considère que la réflexion sur le principe de la laïcité de l’Etat n’est pas liée uniquement aux dérives constatées au départ d’un culte. C’est une exigence démocratique. Il ne s’agit donc pas d’une réponse à un courant religieux, mais d’une exigence de renforcer la démocratie face à toute dérive extrémiste quelle qu’elle soit. J’ai toujours regretté qu’en Belgique, on assimile le principe de la laïcité de l’Etat à la laïcité philosophique. Ce sont des choses très différentes. Vous pouvez être protestant, catholique, musulman ou athée et être profondément attaché au principe de la laïcité de l’Etat. Celle-ci n’est pas incompatible avec des convictions religieuses. C’est bien pour cela qu’il faut utiliser le mot juste : la laïcité, dans le sens de respect mutuel et égalité de traitement des citoyens.

Parmi les objections à votre texte, certains estiment qu’un mot de plus dans la Constitution ne servira à rien. Qu’en pensez-vous ?

Bien entendu que cela ne suffit pas mais, par définition, la Constitution est le support d’initiatives législatives. Si on veut, par exemple, comme je le souhaiterais comme application par la suite, dire qu’un candidat aux élections doit, comme condition de recevabilité de sa candidature, s’engager à respecter les trois grands principes de libertés fondamentales, d’égalité hommes-femmes, et de laïcité de l’Etat, il faut qu’il y ait un fondement constitutionnel pour que ce type d’obligation ait du poids. C’est donc un premier fondement pour des développements législatifs complémentaires (et j’ai beaucoup d’idées).

Des outils n’existent-ils pas déjà pour défendre ces droits fondamentaux que l’on pourrait donc se contenter de renforcer ?

Non, ce serait refuser de faire le débat de fond. En Belgique, on n’ose jamais assumer les grands débats, alors on cherche des petites solutions qui n’en sont pas car elles ne fortifient pas la prise de conscience commune de valeurs essentielles.

Qu’est-ce qui dérange dans ce débat?

Comme le terme “laïcité” est mal utilisé dans le débat politique et assimilé à un courant philosophique athéiste, il effraie ceux qui estiment qu’il ne faut pas négliger les courants religieux.

Derrière la question de vocabulaire, il y a d’autres questions sensibles comme celle du financement des cultes…

Oui, et il faut le remettre en question dans ses modalités, voir s’il est toujours pertinent tel qu’il est organisé et justifié dans l’importance de ses traitements et en termes d’équité entre les différentes convictions religieuses et philosophiques. On ne parle pas de tout cela car on a peur de mécontenter.

Comme au sujet du port du foulard ?

Oui, et là, une fois de plus, on n’est pas très courageux en Belgique car on n’ose pas assumer un choix clair. Je suis adepte de fonder des principes essentiels et de les décliner dans un certain nombre de situations qu’il faut réglementer.


Jean-François Husson, Secrétaire général du Centre de recherche en action publique, intégration et gouvernance

Sur le fond, Olivier Maingain n’a pas tort. Mais sa proposition risque de soulever des problèmes et de créer des dissensions tels que ses éventuels avantages en seraient ruinés. Bref, ce n’est pas le moment.

L’idée d’Olivier Maingain, le président du FDF, d’inscrire le principe de la laïcité de l’Etat dans la Constitution vous paraît-elle bonne ?

Il faut tout d’abord rappeler qu’elle n’est pas neuve, que M. Maingain lui-même l’avait déjà agitée il y a une dizaine d’années et que d’autres que lui y songent plus ou moins régulièrement. Sur le fond, je ne donne pas tort à M. Maingain mais je ne crois pas qu’en cette période d’incertitudes sur le plan économique et social et en matière d’enjeux démocratiques, il soit bon de la remettre sur la table car elle peut être source de malentendus et de dissensions alors que nos énergies seraient plus utiles dans d’autres domaines.

La France a inscrit ce principe dans une loi de 1905. C’est une nation démocratique qui vit bien avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat...

Peut-être mais il sied de relever que la laïcité n’y a toujours pas, 107 ans plus tard, reçu de définition légale. Le Conseil d’Etat estime qu’elle recouvre et assure la neutralité de l’Etat, la liberté d’expression et le pluralisme mais on a entendu d’autres acceptions. Je le répète, sur le fond, cette notion, ce principe ne me posent aucun problème mais il faudrait s’entendre sur leur réelle signification.

Que pourrait-on craindre d’une éventuelle inscription du principe de laïcité dans la Constitution ?

Que ce qui pourrait être considéré comme une solution à des problèmes, comme celui de l’existence de groupes radicaux ou celui du port du voile à l’école ou dans les administrations crée, in fine, des difficultés plus grandes que celles qu’une telle reconnaissance serait censée résoudre.

Que voulez-vous dire ?

Le but de la proposition d’Olivier Maingain est notamment, dit-il, de lutter contre des formations radicales comme le parti Islam ou Sharia4Belgium. Ils constituent, en effet, des mouvements antidémocratiques qui ont de quoi inquiéter. Mais une démarche comme celle de M. Maingain pourrait créer des crispations au sein de la communauté musulmane, qui pourrait être amenée à croire qu’elle lui est spécialement destinée. Certaines personnes en son sein pourraient se sentir à nouveau ostracisées et considérer que l’Etat belge ne comprend pas que chez les musulmans, il y a des démocrates et des non-démocrates. Bref, cela pourrait faire le jeu d’individus comme Fouad Belkacem, le porte-parole de Sharia4Belgium. De plus, les mouvements antidémocratiques pourraient profiter des dissensions que l’inscription de la laïcité dans la Constitution risquerait de créer entre laïcs et croyants dans une série de domaines, comme le port du voile, le financement des cultes, l’enseignement.

Inscrire la laïcité dans la Constitution aurait des effets sur le financement des cultes.

Oui et non. En France, par exemple, l’Etat n’assure plus le traitement des curés mais il finance les aumôniers et les Régions paient les travaux effectués dans les lieux de culte. De plus, la France accorde à ceux qui font des dons aux cultes des incitants fiscaux largement supérieurs à ce qui se pratique en Belgique. En ce qui regarde l’enseignement, la loi Debré qui date de 1959 (soit dit en passant l’année où fut votée la loi belge réglant le pacte scolaire), permet à deux millions de petits Français (soit près de 20 % de la population scolaire) de fréquenter l’enseignement catholique. Cela dit, si le but de l’inscription du principe de laïcité dans la loi fondamentale belge est de créer un réseau unique et de supprimer l’enseignement libre, c’est la promesse de manifestations monstres. Bref, tous ces sujets méritent assurément un débat créatif mais je ne crois pas que la proposition de M. Maingain constitue la meilleure façon de l’initier.

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