Ce 4 décembre 2013, B. Bayenet, professeur à l'ULB et vice-président du CRAIG, a été auditionné lors de la réunion conjointe de la Commission des affaires générales, de la simplification administrative, des fonds européens et des relations internationales du Parlement wallon et de la Commission des Relations internationales et des Questions européennes, des Affaires générales et du Règlement, de l'Informatique, contrôle des communications des membres du Gouvernement et des dépenses électorales du Parlement de la Communauté française.
Allemagne : droit de la nationalité
Interview : Markus Löning plaide pour l'extension du droit à la double nationalité
Markus Löning, délégué du gouvernement fédéral aux questions des droits de l’homme, s’exprime sur le droit de la nationalité allemande dans un entretien publié par la Süddeutsche Zeitung le 18/02/2013.
Lorsque des jeunes gens doivent rendre leur passeport allemand après 23 ans, s’agit-il d’un cas qui concerne le délégué aux questions des droits de l’homme ?
Ce n’est pas un cas qui concerne de prime abord le délégué du gouvernement fédéral aux questions des droits de l’homme car j’ai pour mission de m’occuper des droits de l’homme au sein de la politique étrangère. Néanmoins, cela implique aussi que nous soyons crédibles dans la politique des droits de l’homme que nous défendons en dehors de notre pays. Nous devons appliquer chez nous ce que nous défendons à l’extérieur. Cela vaut également pour l’égalité devant la loi, l’égalité des chances pour tous, la participation démocratique et d’autres aspects essentiels des droits de l’homme.
Voyez-vous ces droits bafoués par le droit de la nationalité allemande ?
Le problème réside avant tout dans l’inégalité de traitement des personnes de différentes origines. Pour les enfants de couples binationaux, les personnes originaires de l’UE ou encore les rapatriés tardifs, la double nationalité est possible en Allemagne sans autre condition. D’autres, en revanche, se la voient refuser alors qu’ils sont nés et ont grandi ici. J’appelle cela de la discrimination. Les arrière-petits-enfants d’immigrés allemands en Argentine n’ayant plus aucun autre lien avec l’Allemagne que leur arrière-grand-père allemand ont un passeport argentin et un passeport allemand, et peuvent voter aux élections législatives allemandes, tandis que des immigrés turcs et leurs enfants ne peuvent voter en Allemagne alors qu’ils y vivent, y paient leurs impôts et participent à la vie de la société allemande, et ce pour le seul motif qu’ils refusent de renoncer à leur passeport turc. Je trouve cela difficilement soutenable.
Le ministre fédéral de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, de la CSU, cite le cas d’un Berlinois auteur d’actes de violence qui, grâce à sa double nationalité, est actuellement réfugié en Turquie. Cela vous convainc-t-il ?
Pourquoi devrions-nous rendre des milliers de citoyens responsables du comportement déviant d’un seul individu ? Cela ne me convainc absolument pas.
Considérez-vous le droit de la nationalité allemande comme obsolète ?
Notre droit de la nationalité suivait à l’origine le principe du droit du sang. Ces dernières années, nous avons fait quelques pas en direction du droit du sol. Nous devrions aller au bout de cette évolution et dire : Celui qui vit chez nous a aussi le droit d’être associé à la vie politique. Chacun doit pouvoir participer, chacun doit pouvoir voter. C’est aussi une exigence vis-à-vis de nous-mêmes en tant que démocrates. À l’heure actuelle, en discriminant un grand groupe de la population, nous l’empêchons de participer aux élections. Dans le cas des immigrés qualifiés également, j’estime qu’il est important de leur offrir la perspective d’accéder à la pleine nationalité allemande tout en conservant la leur.
Ne craignez-vous pas des conflits de loyauté ?
Ce n’est pas un problème si des gens tiennent à leurs origines ou à celles de leurs parents. Je me sens attaché au Emsland, la région qui m’a vu naître mais où je n’ai vécu que pendant un an. Et je suis attaché au Luxembourg où j’ai vécu lorsque j’étais adolescent. De même, d’autres personnes se sentent obligées envers le pays de leurs parents. Je n’y vois pas un problème de loyauté. L’origine des parents est importante, elle fait partie de l’identité. Par ailleurs, je trouve gênant que cette question ne soit posée que pour certains. Nous devrions aborder cela de manière beaucoup plus sereine.
Que proposez-vous ?
Si nous considérons que participer à la démocratie devrait être le droit de chacun, alors nous devons continuer de faciliter les naturalisations et ne pas nous tourmenter au sujet de la double nationalité. Notre message devrait être celui-ci : Nous n’avons rien contre le fait que quelqu’un ait un deuxième passeport et se sente attaché au pays de ses parents. Ce qui compte, c’est qu’il jouisse chez nous des pleins droits de citoyenneté.
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Questions : Daniel Brössler. Entretien reproduit avec l’aimable autorisation de la Süddeutsche Zeitung.
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Source : CIDAL